mercredi 23 octobre 2013

Nouvelle : L'homme de cire

Troisième fournée de nouvelle, avec cette fois-ci une des premières histoire (très) courte que j'ai pu mené à son terme (en 1997). 
A l'époque, je venais de lire "Le Golem" de Gustav Meyrink, et j'avais envie d'écrire un texte très court sur ce sujet. C'est en passant devant les restes d'un pavillon incendié, que l'idée directrice m'est venue. Pourquoi la mettre sur ce blog aujourd'hui ? Seulement parce qu'en tombant sur cette couverture de Steve Ditko, cela a fait tilt ! 
Comme d'habitude, n'hésitez surtout pas à me faire remonter vos impressions et les fôtes d'orthogarphe encore présentes ! Bonne lecture !



« Un incendie a complètement détruit, dans la nuit d’hier à aujourd’hui, la demeure de Robert R. aucun corps n’a encore été retrouvé dans les ruines, mais tout semble indiqué pourtant, que le propriétaire du pavillon se soit trouvé à l’intérieur de celui-ci. Les voisins l’ayant vu rentré chez lui peu de temps avant le début présumé de l’incendie. Un témoin est même persuadé l’avoir aperçu à une fenêtre du grenier.
Les autorités compétentes continuent toujours de fouiller les décombres dans l’espoir de retrouver des restes de la victime, mais ceci sans trop y croire. La maison, entourée par d’autres habitations, n’offrant pas d’échappatoire autre que la rue.
Le mystère reste donc entier. »

Alors que je lisais mon journal comme chaque matin, mon attention fût attirée par cet entrefilet de la rubrique des faits-divers, le nom de la victime ne m’étant, en effet, pas étranger.

Il vint me voir un jour pour me raconter son histoire. « Une histoire incroyable » me dit-il.
Je fus quelque peu surpris, car bien que médecin, je n’avais pas l’habitude de recevoir en consultation des personnes, uniquement pour les entendre me parler de leur vie ou de leurs élucubrations.
Je lui fit savoir, mais il semblait ne pas m’entendre. Je décidais donc de le laisser faire, et de lui prescrire ce qui conviendrait le mieux à son cas, une fois qu’il m’aurait révéler son incroyable histoire.
J’ai décidé de la restituer telle qu’il me l’a conté, c’est à dire un long monologue ; sans que je pense ou je ne veuille intervenir, suivant le cas.

« Je ne vais pas y aller par quatre chemins, docteur. Je suis fait de cire. Cela va sans doute vous paraître fou, peut-être même pensez-vous que c’est moi qui suis fou, mais s’il vous plait, ne dites rien. Je vous demanderais une demi-heure d’attention et après, vous n’entendrez plus parler de moi, je vous le promets. Plus jamais je ne reviendrais vous importuner.
Comme je vous le disais donc, je suis en cire, comme vous vous êtes de chair et de sang. Je suis né comme cela, ou plutôt, j’ai été créé comme cela.
Je ne suis pas humain. Je suis plutôt ce qu’on peut appeler un « Golem », même si je rechigne à utiliser ce mot qui m’est réellement destiné.
Mon créateur, un vieux rabbin d’Europe de l’est, m’a donné la vie il y a de cela environ trente ans. Il a fait cela car il n’avait jamais pu avoir le fils qu’il désirait tant, sa femme ne lui ayant donné que des filles.
Il est tombé par hasard sur un vieil ouvrage de magie blanche, qui s’appuyait sur la Kabbale. Après avoir lu le chapitre concernant les Golems, ces poupées auxquelles on donnait vie avec des formules magiques rédigées sur des petits papiers que l’ont insère dans le corps de celles-ci, il se décida donc très rapidement.
Il désirait créer son fils par ce moyen.
Après quelques essais infructueux, il trouva enfin le geste juste, et ainsi, je vis le jour.
Malheureusement pour moi, je fus fait en cire. En effet, mon père, pour me donner une figure la plus vivante possible, avait décidé de me fabriquer en cette matière et non en pierre ou en terre, comme cela se faisait habituellement. Il trouvait les mannequins de cire des musées tellement vivants…

Le vieux rabbin était vraiment très heureux, mais sentant que sa femme, et surtout ses filles, voyaient d’un mauvais œil ses expériences magiques, il décida de me cacher d’elles. Je vécu donc comme un proscrit pendant environ trois ans, dans le petit cabanon du jardin qui servait d’atelier et de bureau à mon créateur.
Je sortais avec lui dès que je le pouvais, et quand il croisait une de ses connaissances, il me présentait comme un de ses neveux. Je profitais du reste du temps pour lire tous les livres que pouvait me fournir le rabbin.

Puis un jour, ce qui devait arriver arriva. Sa femme découvrit mon existence et me chassa de la maison. Quand mon père apprit cela, il tomba malade, malade de chagrin. Et il mourût un mois plus tard, sans être sorti de son marasme.
Bien sûr, quand je fus mis au courant de son état de santé, j’essayais à plusieurs reprises de me rendre à son chevet, mais sa femme et ses filles me fermèrent la porte au nez, m’accusant de la maladie de leur homme.
Je partis alors pour toujours, quittais ce pays et le malheur que j’y avais causé. Après des pérégrinations, je me retrouvais ici, dans votre pays, me faisant passer pour un réfugié politique.
Je recommençais tant bien que mal une nouvelle vie, une vie normale d’humain.
Tout se passait bien, j’étais heureux, et je passais tout mon temps libre à traîner dans les bibliothèques, à dévorer les livres, et m’émerveillant quand j’en trouvais un sur les Golems, (chose qui, malheureusement n’était pas très courante dans les bibliothèques municipales).

Puis un jour, je tombais nez à nez avec une de mes « sœurs ». Celle-ci ne paru pas étonnée de me trouver ici, au contraire. Elle me dit alors ceci :
« Tu es responsable de la mort de mon père, tu dois payer pour cela, et soit moi, soit un de mes fils va te retirer la vie que t’as donné le rabbin et que tu ne mérites pas. »

A ces mots, je partis en courant. Je n’avais qu’une idée en tête, rentrer chez moi et me protéger. Au moins dans ma maison, j’étais en sécurité.
C’est du moins ce que je pensais à l’époque, car deux ou trois mois après, alors que je commençais à oublier cette rencontre désagréable, je fus victime d’un incendie.
Je m’en sortis avec beaucoup de chance, mais ceci n’était qu’un avertissement. En effet, alors que j’emménageais dans la maison que j’habite actuellement, je reçu une lettre indiquant que la prochaine fois serait la bonne.
C’est pour cette raison que j’ai décidé de me confier à quelqu’un, n’importe qui, un nom pris au hasard dans l’annuaire, pour que l’on connaisse mon histoire, ma nature et surtout mes tueurs.
Il est beaucoup plus facile de se confier à un inconnu qu’à quelqu’un que l’on connaît. »

Et il termina ainsi, alors que je restais ahuri :
« S’il vous plait, regarder tous les jours les pages des faits-divers, et si vous y voyez mon nom, dites cette prière, cela m’aidera peut-être à trouver le repos éternel. »

Il me tendit alors un petit rouleau de papier couvert de lettres hébraïques, ainsi qu’une feuille sur laquelle était écrite une traduction en phonétique, afin que je puisse la déchiffrer, et surtout que je ne l’écorche pas, afin qu’il puisse être en paix jusqu’à la fin des temps.
« Et surtout, ne tentez rien contre mes tueurs, cela ne sert à rien, et surtout personne ne vous croirait. »
Puis il sortit comme il était venu.

Aujourd’hui, comme il me l’avait demandé, je vais lire sa prière à haute voix, afin que cet homme de cire, qui était plus humain que nombre de mes semblables, ait pour toujours un repos bien mérité, comme il me l’a dit, et qu’il le passe auprès de son père, dans n’importe quel endroit que ce soit.

Je tiens aussi à signaler qu’à la suite d’un témoignage, un des petits-fils du rabbin a été arrêté et condamné pour l’incendie criminel qui a coûté la vie à son « oncle ».
Il ne semblait pas regretter son geste.




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