mercredi 31 mai 2017

Histoires sur le bord du trottoir de Lee Hee-jae

Aujourd'hui je vais vous parler d'une bande dessinée coréenne et je crois bien que c'est une première pour Le Bazar de Djé. Inutile de dire que je ne connaissais absolument pas ce livre ni cet auteur - n'étant pas un spécialiste du manhwa. C'est la couverture qui a attiré mon attention avec cette scène de foule et le vendeur ambulant au deuxième plan. J'ai tout de suite compris au vu de celle-ci et du titre, que j'avais entre les mains des chroniques sociales dans l'esprit de "L'Enfer" ou "Cette ville te tuera" du Maître Yoshihiro Tatsumi - mais version coréenne et années 80. J'étais donc impatient de lire cet ouvrage.

"Histoires sur le bord du trottoir" est un recueil de 6 histoires :
La première de ces histoires s'intitule "Chasseur de primes". Young-Dal possède un QI de 130 qui aurait dû lui assurer un poste important et bien rémunéré. Pourtant, il a choisi une toute autre voie. En effet, il gagne sa vie en remportant des concours aussi divers et variés que des prix de photographies, d'affiches publicitaires ou encore littéraire. Un jour, alors qu'il est à sec, il voit une annonce pour un concours de poterie : il va tout mettre en œuvre pour empocher le premier prix, même si pour cela il doit tricher...
Dans "Le Pro", nous retrouvons Young-Dal qui gère désormais une "agence de casting" un peu spéciale. Il se remet en relation avec deux anciens étudiants de sa promotion qui se tirent la bourre sur tout et tout le temps depuis leurs études. Il va profiter de cette rivalité pour se faire un peu d'argent grâce à une sombre histoire de filles...
"Le roi et le larbin" est dans la continuité du récit précédent. Young-Dal est désormais bien établi, mais il est confronté à un problème épineux : ses salariés. Il trouve qu'ils lui coûtent trop cher par rapport à ce qu'ils font. Il décide donc de virer ceux qu'ils jugent inutiles et de ne garder auprès de lui que les plus vils et les plus obséquieux...
Dans "Les malheurs de l’impétueux", nous découvrons Young-Jin, un jeune homme sur le point de se marier et qui veut être absolument parfait pour le grand jour. Malheureusement pour lui, sa nature un peu fougueuse et son habitude de se mêler de ce qui ne le regarde pas vont lui jouer bien des tours...
Dans "Un homme d'exception" Nam-Bum raconte l'histoire de Park Jung-Soo, son ex employeur, un homme qui a réussi dans la vie à force de travail mais qui est incapable d'obtenir son permis de conduire...
Enfin, dans "Le dé", nous suivons différents protagonistes lors de la veille de noël, tous réunis autour d'un jeu de rue où les fortunes se font et se défont en un coup de dé...

Comme cela est souvent le cas avec ce genre de recueil, l'intérêt des histoires est assez inégal. On va du très très bon comme "Le dé" ou "Chasseur de primes" à du assez fade comme "Le roi et le larbin", ou encore du confus comme "Le pro". Pourtant, malgré cet hétérogénéité et ces disparités, ces histoires forment bizarrement une œuvre malgré tout cohérente et originale.
Il y a d'abord le point de vue quasiment naturaliste de l'auteur - dans le sens où il ne juge ni les protagonistes, ni leurs actes - même si l'on sent bien que derrière tout cela il y a quand même une critique douce amère de la société coréenne de cette époque, alors en pleine mutation. 
Ensuite, toutes les histoires ont en commun de montrer le "côté obscur" de la croissance coréenne des années 80 - et tout ce que cela à provoquer comme changement social et sociétal -  à travers le prismes de ces petites tranches de vie.

Côté dessin, on a affaire à de l'efficace. Lee Hee-jae va à l'essentiel - parfois trop. En effet, son trait qui se veut vaguement réaliste est assez simple, dans le sens où il ne s’embarrasse pas de fioriture. Cela n'est pas sans me déplaire puisque cela renforce à la fois l'aspect naturaliste du propos (il n'essaie pas de rendre sympathique ou désagréable un personnage en forçant le trait) ainsi que le côté un peu froid qui sied parfaitement à ce genre de chroniques sociales. 
Par contre, cela peut avoir des aspects négatifs puisqu'il est assez difficile de s'attacher aux personnages qui n'ont pas beaucoup de charisme, et qui ont, malheureusement, un peu tous tendance à se ressembler. Ce dernier point peut d'ailleurs être un petit peu perturbant pour le lecteur.
Quoiqu'il en soit, j'ai trouvé le dessin de Lee Hee-jae en parfaite adéquation avec son propos même si je regrette que la mise en page et le découpage des histoires n'est pas été un petit peu plus audacieux.

En conclusion, je dirais que ce recueil, même s'il n'est pas aussi prenant que ce à quoi je m'attendais, n'en est pas pour autant inintéressant. Il a au moins le mérite de nous faire découvrir la société coréenne de cette époque - et ceci sans concession. Il n'est bien sûr pas au niveau du gekiga social de Tatsumi - mais qui l'est ? - mais m'a permis de faire connaissance avec le manhwa, et je vais donc me pencher un peu plus sérieusement sur ce qui est produit au Pays du Matin Frais. Si vous êtes curieux, si vous aimez les chroniques sociales en bd ou encore les témoignages d'une époque révolue (ou pas) n'hésitez pas et partez à la découverte de ces "Histoires sur le bord du trottoir" !

Note : 13/20


Histoires sur le bord du trottoir de Lee Hee-jae
FLBLB / 2014
ISBN : 978-2357610637
160 p. / 13€

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