mardi 20 mars 2018

Black Hammer - Tome 1 de Jeff Lemire, Dean Ormston et Dave Stewart

Aujourd'hui, je vais vous parler du premier tome de Black Hammer, dont la couverture - qui fleure bon les pulps et autres comics vintage - m'a tapé dans l’œil et qu'en conséquence, je me suis fait offrir à noël. N'étant pas un expert des comics actuels (ni même expert en rien d'ailleurs), je ne connaissais absolument pas les auteurs - mis à part Dave Stewart pour son travail sur Hellboy - il s'agissait donc d'une totale découverte, que je n'ai pas regretté. 
Pour être franc, je ne m'attendais pas du tout à ce genre d'histoire. Au vu de la couverture, je pensais avoir affaire à un bon gros hommage aux comics d'antan, bourré d'action. Je n'ai pas l'habitude de lire les critiques ou les avis avant de choisir mes livres, et je suis bien content de m'en être tenu à ma ligne de conduite pour Black Hammer, car je ne suis pas sûr que de dans ce cas, je me le serais procuré. Quelle erreur c’eut été !

Après avoir sauvé Spiral City de la destruction, Barbalien, l'extraterrestre, le Colonel Weird, Dragonfly, la sorcière, Golden Gail, le robot Walky et Abraham Slam, se retrouvent mystérieusement projetés dans ce qui semble être un autre univers, ressemblant à l'Amérique profonde. Désormais, loin de Spiral City et de leurs anciennes vies, ils ne sont plus qu'aux yeux de la population qui les entoure, qu'une famille dysfonctionnelle. Aucun d'entre eux - si ce n'est Abraham - ne semble se faire à l'idée de rester coincé ici. Pour les autres, au contraire, cela est très difficile, car dans en plus d'avoir perdu leur vie d'avant, ils se sentent épiés en permanence par les villageois du coin qui sentent bien que cette famille n'est pas comme les autres...

Le scénario de Jeff Lemire est vraiment une réussite qui comporte plusieurs niveaux de lectures et surtout beaucoup de clins d’œil aux pulps et aux comics classiques, tels que Captain Marvel (Shazaam), Captain America, Adam Strange voire le Captain Marvel de Marvel et sa Zone négative, ou encore Eerie / Creepy. Vous l'avez compris, la liste est non exhaustive...
J'ai beaucoup aimé l'histoire qui est très prenante et le fait que celle-ci, bien que formant un tout, soit découpée par chapitres se focalisant à chaque fois sur un héros différent. Cela permet de nous présenter à la fois sa vie présente, à laquelle en général, il a du mal à se faire, à sa vie passée, sous forme de flash-back, expliquant ses origines. Même si le concept n'a rien d'original, j'ai trouvé qu'ici, cela était fait avec beaucoup de justesse. On ressent d'autant mieux la confrontation entre cet avant et cet après qui cristallise bien des rancœurs dans cette "famille".
Le rythme est assez lent et les batailles homériques des super héros ne sont racontées qu'en filigrane. On a plus l'impression de lire des chroniques d'une famille dysfonctionnelle dont certains membres sont dotés de pouvoirs spéciaux, qu'un véritable comics à proprement parlé. Mais justement, c'est cela qui est intéressant ici. Cette atmosphère lourde et pesante, faite de non-dits et d'interrogations. Cet univers dont ils sont prisonniers et qu'ils n'acceptent pas. Leur condition de super héros qui finalement ne leur sert plus à rien non plus et qui se révèle être plus un fardeau qu'autre chose. À ce propos, le personnage de Golden Gail, la quinquagénaire coincée dans un corps d'enfant est très touchant. Bref, alors que cela aurait pu se révéler un peu casse gueule, Jeff Lemire livre au contraire une histoire parfaitement maîtrisée, prenante et assez émouvante.

Le travail de Dean Ormston sur ce titre est également de très haut niveau. À la vue des premières pages, j'ai tout d'abord pensé que l'artiste n'avait pas réellement digérer les influences de Mike Mignola et de son Hellboy, mais finalement, cela ne reste qu'une première impression. On se rend vite compte que le dessinateur a son propre style, très intéressant, qui plus est. On sent que Ormston s'est beaucoup amusé à illustrer cette histoire très particulière. Son trait colle parfaitement à cette ambiance à la fois pesante et intemporelle, fantastique et très terre à terre. Bref, un grand écart continuel, qu'il a illustré magnifiquement. Du très grand art !

À la fin de la lecture de ce tome, je me suis dit que c'était vraiment pas mal, même si j'avais un peu l'impression que Jeff Lemire avait voulu faire son Watchmen à lui. Puis, quelques jours plus tard, j'ai relu le bouzin, et je me suis rendu compte que ce Black Hammer n'était en fait, pas que ça et que ce qui avait orienté mon esprit vers le constat d'une resucée de Watchmen n'était en fait qu'une association d'idées. L'auteur propose une revisite d'archétypes de héros de comics, mais cela n'a finalement que très peu de chose à voir avec le travail d'Alan Moore, si ce n'est dans le fait que comme son aîné, il insuffle des angoisses et des problèmes très humains à des superhéros qui y sont d'habitude étrangers. Mis à part ça, le traitement des personnages, le récit, et l'univers sont très différents. Et le fait d'avoir lu et apprécié "Watchmen" ne fait que renforcer cette idée que "Black Hammer" est une oeuvre de très haute volée !

En conclusion, j'ai réellement pris un énorme plaisir avec ce premier tome qui présente les personnages et pose pleins de questions. J'attends donc la suite avec impatience. Ça tombe bien, le tome 2 sort justement le mois prochain !

Note : 16,5/20


Black Hammer - Tome 1 de Jeff Lemire, Dean Ormston et Dave Stewart
Urban Comics / Urban Indies / 2017
ISBN : 979-1026811886
200 p. / 17,50€

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Web Statistics